Question à Marie Robert - Hors-Série l'Amour à Paris

Question à Marie Robert - Hors-Série l'Amour à Paris
« Il faut apprendre à épouser le mouvement. L’éternité demande de la souplesse ! »

Le bonheur

Peut-on être heureux sans aimer et être aimé

Mais qu’est-ce que le bonheur sans amour ? Est-ce que les deux termes, au fond, ne sont pas synonymes ? On confond souvent l’amour et l’attente. L’attente est source de souffrance, d’une espérance qui n’est jamais satisfaite, on projette, on espère et on est sans cesse ramené à une déception. Mais l’amour, de soi, des autres, de l’humanité, du pain au chocolat, est « juste » ce sentiment profond qui anime notre esprit, notre chair, notre corps, et qui nous rend vivant. Et dès lors, pourrait-on être heureux sans être vivant ?

Aimer peut-il être le moteur de la vie ? De la « vie bonne »
L’amour, sous toutes ses formes, ainsi que le décrit Platon, est un moteur qui nous conduit à plus de « bien ». Dans la mythologie grecque, Éros est un être entre les hommes et les dieux. Il explore l’amour par étapes. D’abord, il se jette dans l’amour sensuel, la beauté du corps ! Puis lorsque les plaisirs de la chair ne lui suffisent plus, il accomplit une douce conversion vers ceux de l’âme, plus intenses et plus durables ! C’est un crescendo, nourrit par la volonté de tendre vers toujours plus de connaissance et d’éternité. Aimer est donc cette expérience inouïe, fascinante, qui loin de nous conduire vers l’abîme, nous fait passer du désir corporel au Ciel des Idées.  Mais pour y parvenir, il faut être capable d’accueillir Éros, de le reconnaitre. Il n’est ni violence, ni souffrance, ni abus, ni jalousie, mais un hommage à la beauté de l’existence, qu’elle se manifeste dans les caresses ou dans la réflexion. Une porte vers la vie bonne !

L’illusion, le risque et le danger

Faut-il se méfier de l’amour
? De quel amour faudrait-il se méfier
Il faut se méfier de tout ce qui abime le corps et l’esprit. L’amour est quelque chose qui nous « fait plus être », qui nous renforce, qui nous permet de nous sentir plus à notre place. Si ce n’est pas le cas, c’est qu’il ne s’agit pas d’amour mais d’une forme de tyrannie. Bien sûr, il y a dans les liens d’amour, des chaos, du tumulte, des larmes, des pertes, des orages, des assiettes cassées, mais nous devons veiller à ne pas être happer. A toujours être là, à ne pas se laisser dissoudre dans une relation dans laquelle nous n’existons pas.

L’amour a-t-il besoin d’espérance
Entre nous, je me méfie un peu de l’espérance. L’espérance suppose qu’il y a un résidu de crainte. Elle nous maintient dans une attente face à laquelle on ne maitrise rien. Plus que d’espérance, je crois que l’amour a besoin de courage. Le courage d’affronter tous les tourments.

Quand on aime, on a souvent l’impression que c’est pour la première fois. Cela veut-il dire qu’on n’apprend jamais rien en amour
Heureusement que non ! L’apprentissage suppose qu’à un moment on « maitrise » les choses et donc qu’on perd un peu notre émerveillement et notre vigilance. Je ne sais si cela est souhaitable. Il est sans doute préférable de vivre sa relation dans l’étonnement. Et surtout, chaque individu est si singulier qu’aucune situation ne peut être semblable aux autres…

Jalousie, colère, abandon, trahison

Pourquoi prend-on encore le risque de tomber amoureux ?
Palpitations, vertiges, complicité, sexe, soirée netflix, partenaire de vie, baisers langoureux, parentalité, complicité infinie… Il y a quelques trucs pas mal non ?

On dit « tomber amoureux » ou « tomber en amour » pour les plus Québécois d’entre nous : l’amour est-il une chute
Pas une chute non au contraire ! L’amour élève, car il nous élève, au sens où il nous demande d’aller chercher des ressources dans des espaces inconnus. Aimer suppose que notre monde soit transformé par l’autre. Ce n’est pas chuter, c’est gagner en amplitude, c’est découvrir de nouveaux lieux !

Les amours

Peut-on aimer (aussi fort) plusieurs personnes dans sa vie

Je crois que l’amour n’a aucune limite en termes d’intensité. Il se renouvèle sans cesse. Mais il s’agit plutôt d’accepter qu’aucune expérience ne se ressemble et qu’aucune ne peut se mesurer. Nous ne sommes pas les mêmes selon nos histoires.

Peut-on aimer (aussi fort) plusieurs personnes à la fois ?
En fait, je crois que nous sommes capables de tout si nous y trouvons du bonheur et de la cohérence. Mais pour cela, il faut être capable de s’interroger et de se demander si on se sent à la juste place. Si oui, alors tout est possible !

Peut-on décider de cesser d’aimer ?  
Ca arrangerait beaucoup de gens et ça soulagerait beaucoup de cœurs brisés ! Mais en réalité, on ne cesse pas d’aimer, on peut en revanche analyser nos sentiments, y mettre un peu de raison. Par exemple dans une rupture, on peut essayer de décortiquer notre nostalgie, de démêler les fils de nos projections.  Alors peut-être qu’on se rendra compte que l’amour n’était plus au cœur du lien.

L'Introspection

L’amour est-il à la fois une expérience du monde, de l’altérité, de la différence, et le meilleur outil de connaissance de soi

Le philosophe Emmanuel Levinas fait une très belle analyse de la rencontre lorsqu’il écrit dans son livre Entre Nous que : « la rencontre d’Autrui est d’emblée ma responsabilité pour lui ». La rencontre nous engage tout entier auprès de l’autre, on ne peut plus rester indifférent à cette personne que l’on a rencontrée. A peine croisé et déjà elle occupe notre esprit. Elle nous touche, elle nous intéresse, on la scrute sur les réseaux sociaux, on essaye de la croiser...etc. L’autre change tout notre monde. La rencontre est l’aventure par laquelle l’individu sort de lui-même pour revenir à lui. On revient agrandi ou troublé, au moins en partie autre, en tout cas transformé !

La liberté - l'ndividualité

Comment allier désir d’union voire de fusion et liberté individuelle

En parlant, en expliquant, en étant capable d’identifier ses besoins et de les transmettre. Une relation est un partenariat. Cela suppose que les deux parties soient en accord avec les mouvements qui se jouent dans ce curieux troisième lieu. La seule manière d’y parvenir est avant tout de s’interroger pour pouvoir ensuite transmettre… Selon quelle modalité suis-je bien ? Selon quelle modalité l’autre est bien ? Que fait-on de tout cela ?

Perd-on son libre arbitre quand on aime
Pour Kant oui ! Il est obsédé par cette idée ! Il dévoile les risques que l’on encoure en cédant à la passion. Il affirme que l'amour passionnel est dangereux car il mène irrésistiblement à l'accomplissement d'actes moralement condamnables. Selon lui, l’amour empêche toute réflexion. Quand on est amoureux, nous ne sommes plus en mesure d'écouter notre raison profonde. Nous n’arrivons plus à comparer, juger, mesurer, choisir, affronter, questionner. On est dépossédé des outils nécessaires à l’exercice de la morale, car dans la philosophie de Kant, la loi morale a précisément pour socle la raison. Mais même si j’adore Kant, je ne suis pas du tout d’accord avec lui… Comme je le disais, l’amour peut aussi nous aider à trouver notre équilibre, à nous aider à comprendre qui nous sommes et ce que nous voulons et donc à nous rendre plus libre !

L’amour qui dure

L’amour peut-il durer toute une vie

Très sincèrement je crois que oui. Bien sûr, l’amour évolue, fluctue, il est soumis à des centaines de variations, c’est un effort permanent, mais je crois qu’on peut véritablement l’entretenir. Le mythe d’Aristophane met en avant cela… C’est l’idée de trouver sa moitié, l’être qui nous fait sentir « complet ». Encore une fois, la perspective est simplement d’apprendre à naviguer parmi toutes les formes d’amour : le désir, la passion, la tendresse, l’amitié, la spiritualité…etc. Au cours de notre vie, l’amour va et vient à travers ces espaces. Pas forcément de manière chronologique d’ailleurs ! Il faut apprendre à épouser le mouvement. L’éternité demande de la souplesse !

Comment faire durer l’amour ?  
Il y a peu, je discutais avec quelqu’un qui m’a dit vouloir être aimé « comme au premier jour ». Mais comment aime-t-on au premier jour ? On aime sans connaitre, on aime sans avoir appris l’autre, on aime par projection, on aime à travers soi. C’est le temps de l’excitation et de la mise en scène. Et c’est infiniment charmant. Mais veut-on que ce joli badinage dure toute la vie ? Je crois qu’il y a autre chose. Je crois en l’amour du deuxième, du troisième et même du dernier jour. Celui qui doit sans cesse se réinventer, lutter, construire. Celui qui à la surface répond par la profondeur, qu’importe si c’est parfois celle des ténèbres. Il faut arpenter des sommets. Résoudre l’équation impossible qui nous met au défi d’articuler sécurité, promesse d’éternité et sauvagerie primitive. L’existence entre les individus est un orage perpétuel. L'air entre leurs visages est plus intense, plus hostile, plus fulgurant, qu'entre les arbres ou les pierres. Mais parfois, de rares fois, de belles fois, la foudre tombe vraiment. Alors pouvoir le vivre devient la chose la plus précieuse au monde. La plus absurde des folies. Je veux l’amour des jours qui suivent. Et j’y crois !

Comment faire fleurir l’amour à l’ombre du confinement ? Ou au moins éviter qu’il ne flétrisse complètement...
Se regarder. Se regarder vraiment. Droit dans les yeux. Poser nos téléphones. Là, face à face dans le visage de l’autre. Et accepter ce qu’on y découvrira.

Pourquoi on aime autant l’amour
Sécularisation des sociétés, désenchantement du monde, rationalisation permanente et pourtant l’amour échappe à tout et il est l’incontournable sujet des films, des livres, des chansons, des podcasts et des conversations en terrasse quand nous en avions encore. L’amour est partout ; et partout valorisé. Pourquoi on aime autant l’amour ? Puisque Dieu est mal en point, cette passion universelle pour l’amour est-elle l’expression de notre besoin de transcendance ? L’amour est-il son dernier bastion ? 
Je pourrais répondre à cette question par une thèse entière ! Mais une phrase suffira sans doute : l’amour est tout. L’amour conditionne notre rapport au monde. L’amour de soi, l’amour de da famille, de ses amis, de son couple, de son travail, de la nature, de la terre. Tout monde cherche le sens partout, mais est-ce qu’il y a sens plus fort que l’amour ? L’amour nous permet de tout traverser.

Questions bonus
Vous est-il arrivé de faire l’expérience de l’inverse de tout ce que vous venez de raconter

Ahahahahah ! Non, j’ai été hyper sincère… mais je vais vous dire un secret : en vrai, l’amour est la seule chose qui m’intéresse !

Que lire si on veut en savoir plus sur ce sujet ? (Philosophie ou littérature)
Le Banquet de Platon / Rupture de Claire Marin / La douleur exquise de Sophie Calle et à peu près tout ce que la littérature compte comme romans ! ;-)

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