La joie - premier chapitre

La joie - premier chapitre
Publié le 28 janvier 2016
Insolite
Charles Pépin, La joie.

Premier chapitre :
      Je n'ai pas beaucoup dormi mais il y a ce bonheur dans mes muscles, cette chaleur dans mon sang qui me tiennent compagnie. Il y a cette lumière dans la ville, ce soleil de septembre qui réchauffe les coeurs et les capots des voitures. Je ne conduis que d'une main, l'autre bras pend à la fenêtre, j'aime tant sentir sous ma paume la portière brûlante, la caresse de la tôle au creux de mon avant-bras. D'ailleurs, je ne conduis pas vraiment, je suis conduit, je me laisse conduire : ce sont les rues qui décident pour moi, les rues, les feux et le soleil, ma voiture connaît par coeur le chemin de l'hôpital, je l'ai fait si souvent.

Aujourd'hui, maman a une bonne voix. Je l'ai entendu au premier de ses mots dans le téléphone, je lui dis que je serai là bientôt, que je roule déjà vers elle. Elle n'a qu'à fermer les yeux et s'endormir, je serai là à son réveil. J'accélère encore et il me semble que tous les feux de Paris sont synchronisés, qu'ils se sont donné le mot pour passer au vert.

Louise m'appelle, la voix ensommeillée. Elle veut savoir si je vais bien. Comment je fais pour tenir sans sommeil. Si j'ai une oreillette. Si ma réunion s'est déroulée comme je le souhaitais. Elle me dit qu'elle est encore au lit. Qu'il y a mon odeur dans les draps, notre odeur. À l'entrée de l'hôpital, pour qu'on m'ouvre la barrière, j'annonce que je suis attendu aux urgences. Ça marche depuis des semaines, je répète le même mensonge, la barrière se soulève comme par magie et je remercie hâtivement l'agent, coincé dans sa loge, qui ne me reconnaît jamais.

C'est le genre de choses que j'apprécie, tous ces petits miracles de la vie, une barrière qui obéit, des feux qui passent au vert, un ami qui appelle alors qu'on pense à lui, deux corps qui dorment ensemble, parfaitement emboîtés, sans même le faire exprès. Louise, toujours en ligne, s'amuse de mon mensonge. Maman n'a jamais été aux urgences, elle est en cancérologie mais les visiteurs n'ont pas droit à une place de parking dans l'enceinte de l'hôpital. Ils doivent stationner dehors et marcher dix minutes. J'ai encore réussi à me garer sous les fenêtres de sa chambre : cette place est toujours libre, comme si elle m'était réservée. Je l'aime vraiment, cet emplacement. Il y a un peu d'herbe, aucune manoeuvre à faire, on se croirait à la campagne.

En refermant la portière, j'observe devant mon pied une petite fleur violette, éclose dans une fêlure du bitume. Comment a-t-elle fait pour arriver ici ? Pour percer et croître, échapper si longtemps aux pas et aux pneus ? Cherchait-elle ce soleil qui me caresse le front ? Je lève les yeux au ciel et il me semble que les nuages filent anormalement vite, que le vent les balaie pour faire place au soleil.

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