Je suis française, indo-vietnamienne et marocaine

Je suis française, indo-vietnamienne et marocaine
Publié le 12 avril 2021
Chroniques Parisiennes

On donne la plume à Soumaya, francilienne depuis 25 ans, parisienne depuis 3 ans et créatrice de la newsletter Desoriental, qui va nous raconter sa vie, et sa ville. 

***

- Je suis française, indo-vietnamienne et marocaine.
- Oh wahou, mais c'est improbable, ça vient d’où ce métissage ?
- De Paris.

Oui, de Paris. 

Parce que c’est depuis Paris que s’est décidé le lien entre l’Inde, le Vietnam et le Maroc : ce sont trois anciens comptoirs et colonies français.

Et puis aussi parce que c’est à Paris que Ménagai et El Amin se sont rencontrés : c'est mes parents. Ils avaient 23 ans quand ils se sont croisés à la Cité Universitaire, dans le 14ème. Dans ce campus étudiant qui borde le parc Montsouris, plus de quarante nationalités sont accueillies chaque année dans quarante pavillons nationaux. Mon père était à la “Maison du Maroc”, ma mère à la “Maison de l’Inde”. Coup de chance : elles étaient à côté. Paris, c’est ça pour moi : une ville ou l’Inde et le Maroc, c’est à côté.

Paris ville-monde, Paris ville tiers-monde même car des années 1930 aux années 1960, de nombreux artistes et intellectuels parisiens se sont radicalement engagés contre la colonisation.
Je n’ai appris ça que tout récemment. Toutes ces personnalités qui ont porté haut les idéaux de liberté, d’égalité et de fraternité qui me rendent fière d’être française, je ne les découvre que maintenant, à 33 ans.
Les surréalistes, les existentialistes, les anthropologues, les poètes, les sorbonnards afropéens et eurasiens, les cinéastes de la Nouvelle Vague, les féministes, Paul Eluard, Simone de Beauvoir, Alioune Diop, Boris Vian, Claude Levi-Strauss, Paulette et Jeanne Nardal, René Char, Andrée Viollis, Nguyen An Ninh, Romain Rolland, Picasso, Kateb Yacine, Michel Leiris, Louis Aragon, Suzanne et Aimé Césaire, René Vautier, André Breton, Roland Barthes, et tant d’autres. 

Paris, c’est la ville de celles et ceux qui sont de tous les combats.

Et en particulier de celui là.

Parce que la “diversité” à Paris, ce n’est pas un rayon minuscule comme à la télé ou en librairie. 

La diversité culturelle, elle structure Paris. Elle invente Paris.
 

Comme elle a inventé (feu) Tati Barbès, ce haut-lieu de notre pop-culture parisienne ! Tati, cette enseigne créée il y a soixante-dix ans par Jules Ouaki, entrepreneur français juif séfarade né à La Goulette en Tunisie, grâce à qui tous les Tontons du bled ont pu "rassasier tout le village même les plus petits”, qui a servi de décor à un sketch des Inconnus, dont on a retrouvé l’imprimé vichy mythique et le tartan démocrachic sur les podiums d'Azzedine Alaïa, Céline, Balenciaga, Vuitton. 


J’ai grandi en banlieue et Paris, je l’ai connu sur le tard. La Tour Eiffel, je ne l'ai vue que peu de fois, quand la famille venait nous visiter de l’étranger. Et pourtant, quand on allait au pays chaque année, c'était clair et précis : on était de Paris ! Ah si, on allait à Paris régulièrement, chaque mois lors d’un pèlerinage vital à Gare du Nord pour s’approvisionner en produits indiens.
 

C’est aujourd’hui la ville où nous sommes installés depuis quelques années avec mon mari —qui vient de cette même histoire post-coloniale : lui est djiboutien, yéménite et français. Oui, on vit dans le 2ème et on mange à la main ! Paris c’est pour moi la ville où tout ça cohabite naturellement. Sa culture au fond me ressemble : elle est sang-mêlée. Une histoire qui ne m’a été que trop peu racontée.

Paris hier, c’était la folie de Brigitte Fontaine et d’Areski Belkacem, c’était Le Métèque de Georges / Giuseppe / Youssef Moustaki, c’était le jeune Kôkô chantant son Nabout Twist en arabe avant de devenir le grand Cloclo d’Alexandrie Alexandra.

Paris aujourd’hui, ce sont ces bentos libanais à emporter dans le Marais, c’est ce hammam mauresque centenaire à cinq minutes de la rue Mouffetard, c’est cette brocante indus’ indienne sous un passage couvert du 2ème, ce sont ces cornes de gazelle so instagrammables dans le 11ème, c’est ce café littéraire iranien sur le Canal.

 

Et Paris ce sera toujours, dans un monde où cette diversité fait débat, mon havre désoriental.


On a demandé à Soumaya de nous partager sa playlist désorientale, la voici

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