un Tiger (Woods) dans le moteur

Alexandre

La fois où j’ai révélé ma
double vie à un rappeur
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Golfeur professionnel, il enchaîne les practices et les courses Uber - toujours avec la même maîtrise.

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Mes journées ne ressemblent pas vraiment à celles des autres chauffeurs partenaires Uber. Ne serait-ce que parce que j’ai deux journées en une… En fait, en plus d’avoir ma propre société de VTC, je suis aussi golfeur professionnel.
J’ai toujours été sportif. J’ai grandi en Afrique, où j’ai vécu dans plusieurs pays successifs : le Rwanda, le Sénégal, où j’ai d’abord énormément joué au foot. Mais bon, une succession de blessures m’ont empêché de percer… C’est à 23 ans que j’ai décidé de me tourner vers le golf. J’avais commencé ce sport assez tôt - vers l’âge de 10 ans. Puis j’ai fait un séjour à Miami.

Alexandre

On ne s’en rend pas forcément compte ici, mais le golf professionnel est très peu développé en France. Aux Etats-Unis, c’est complètement différent… On rencontre des coachs, des joueurs, des gens qui croient en vous et vous poussent. C’est à ce moment que j’ai eu le déclic. Le golf était auparavant un loisir dans lequel j’avais du potentiel. J’ai décidé que ça deviendrait ma vie.
Pour ça, il a fallu commencer par changer d’état d’esprit. Je cotoyais le monde professionnel, mais je n’arrivais pas à m’y projeter. La première chose à faire, c’était donc de faire évoluer la mentalité. Puis ensuite, il a fallu travailler la précision. J’avais gardé de mes années de football, beaucoup de puissance. Il a fallu affiner tout ça. Pour se rapprocher au maximum de l’élite mondiale. Pour vous donner un exemple, un golfeur amateur place en moyenne la balle à 20 mètres de l’endroit qu’il vise. Un pro de l’élite mondiale, à environ 3 mètres. Pour ma part, je suis environ à 7 mètres en moyenne. C’est déjà pas mal, mais il faut encore progresser…

J’ai deux journées en une… En fait, en plus d’avoir ma propre société de VTC, je suis aussi golfeur professionnel.

Dans mon parcours, Uber a été une vraie opportunité. Quand mon sponsor m’a lâché, il me fallait trouver une autre façon de me financer. Contrairement à ce que l’on pense souvent, le golf n’est pas un sport qui coûte si cher quand on le pratique en amateur. En revanche, jouer en professionnel peut être nettement plus coûteux. En France, les compétitions sont très rares et pour jouer, il n’y a pas 10 000 solutions : il faut aller à l’étranger. Et ça veut dire se payer des avions, des hôtels… Rien que pour reconnaître un parcours avant une compétition, il faut prévoir quelques journées de séjour… et ce n’est pas gratuit ! Uber, c’était la seule façon de mener de front un entraînement de golf correspondant à un niveau professionnel avec une activité professionnelle. Forcément, cela fait des journées assez chargées : tous les jours, je commence à travailler de 7 à 11h. L’après-midi, je pars m’entraîner au golf national de Saint-Quentin en Yvelines. Puis je remonte à bord de ma voiture pour terminer la soirée.

Même si je suis en général discret sur ma “double vie”, il m’est arrivé à plusieurs reprises d’accueillir dans mon véhicule des gens intéressés par le golf. Des amateurs, des passionnés… Mais aussi, parfois, des célébrités : j’ai notamment croisé le rappeur Passy, avec qui je dois bientôt organiser un petit parcours… J’aime aussi le rythme du travail en soirée. Tous les soirs, après ma dernière course, je vais dîner dans le même petit restaurant, en bas de chez moi, à Clichy. J’y suis allé presque une année avant de parler golf avec le patron et lui décrire un peu mon parcours. Il n’en revenait pas ! C’est vrai que les gens n’imaginent pas qu’une personne d’origine africaine puisse être golfeur professionnel. Pourtant, j’ai justement envie de partager ma passion, et de montrer que n’importe qui peut se donner les moyens de pratiquer. Il suffit de le vouloir. Quand on croit à son projet… tout devient possible !

Quand on croit à son projet…tout devient possible !